La grande machine à boue tourne à vide : chronique d’une campagne de dénigrement en panne sèche

La grande machine à boue tourne à vide : chronique d’une campagne de dénigrement en panne sèche

Le silence assourdissant d’un ex-président

Dans le petit monde trépidant de la politique sénégalaise, un phénomène rare vient perturber la symphonie habituelle des accusations croisées et des polémiques quotidiennes : le silence. Mais pas n’importe lequel. Celui, presque surnaturel, d’un certain Macky Sall, ex-locataire du Palais présidentiel, qui continue à faire des siennes – ou plutôt à ne rien faire du tout, ce qui semble encore plus insupportable pour ses détracteurs.

Pendant que la nouvelle équipe au pouvoir s’égosille à grands renforts de micros et de tribunes, l’homme poursuit son chemin, apparemment indifférent aux salves d’attaques qui le visent. Un silence qui vaut mille discours et qui, comble de l’ironie, fait plus de bruit que toutes les déclarations officielles réunies.

La république des valeurs contre la république des invectives

On observe avec un certain amusement cette curieuse équation politique : d’un côté, un pouvoir fraîchement installé qui avait promis monts et merveilles, de l’autre, un prédécesseur qui préfère laisser parler son bilan plutôt que sa langue.

“Macky Sall incarne des valeurs républicaines”, nous susurre-t-on dans les cercles qui lui restent fidèles. L’expression fait sourire – les “valeurs républicaines” étant ce concept élastique que chacun étire selon ses besoins du moment. Mais force est de constater que l’homme a choisi une posture peu commune dans le théâtre politique africain : celle de la discrétion post-pouvoir.

“Celui qui travaille” versus ceux qui parlent

La nouvelle équipe aux manettes, visiblement déçue de ne pas trouver les scandales espérés dans les tiroirs du pouvoir, redouble d’efforts pour déterrer des cadavres qui, décidément, refusent de sortir de leurs placards. Pendant ce temps-là, l’ancien président, surnommé par ses partisans “celui qui travaille”, semble avoir transporté cette éthique laborieuse dans sa vie d’après-présidence.

De notre côté, on a tenté de suivre ses activités internationales, on s’est rapidement essoufflé devant l’agenda chargé de l’ex-chef d’État, sollicité par diverses organisations et capitales étrangères. Visiblement, certains à l’international semblent apprécier ce que d’autres au pays tentent désespérément de salir.

La grande lessive qui tourne à vide

Ils avaient pourtant tout prévu : les commissions d’enquête, les audits spectaculaires, les révélations fracassantes qui devaient faire trembler la République. Le grand déballage promis aux Sénégalais se fait toujours attendre, et pour cause – la machine à salir semble s’être enrayée faute de matière première suffisamment consistante.

“Nous allons exposer tous ses méfaits !”, avait-on promis avec des trémolos dans la voix. Plusieurs mois plus tard, les dossiers compromettants se font aussi rares que les éléphants roses dans le désert de Tamba. Un fiasco qui fait ricaner dans les chaumières et qui commence à inquiéter sérieusement dans les couloirs du pouvoir.

L’art subtil de ne pas répondre aux attaques

Pendant que certains s’époumonent en l’accusant de tous les maux, Macky Sall semble avoir perfectionné l’art délicat du silence stratégique. Ni réponse cinglante, ni contre-attaque médiatique, ni même défense par avocats interposés : l’homme laisse glisser les accusations comme l’eau sur nos plumes.

Cette stratégie du non-dit rend fou ses détracteurs, privés du plaisir de l’affrontement verbal qu’ils espéraient tant. Car rien n’est plus frustrant qu’un adversaire qui refuse de jouer selon les règles habituelles de la politique-spectacle.

La République des résultats contre celle des promesses

“Les chiffres parlent d’eux-mêmes”, murmurent les défenseurs de l’ancien président, pointant du doigt les autoroutes, les centrales électriques, les hôpitaux de dernière génération, les infrastructures diverses qui, effectivement, ont la particularité désagréable d’exister physiquement et non uniquement dans les discours.

Le nouveau pouvoir, confronté à ces réalisations tangibles, se retrouve face à un dilemme cornélien : reconnaître ces avancées reviendrait à valider partiellement le bilan de l’adversaire ; les nier relèverait d’une mauvaise foi trop évidente même pour les standards politiques habituels.

Épilogue : le temps, ce juge impitoyable

En attendant que l’Histoire – cette vieille dame capricieuse mais généralement juste sur la durée – tranche définitivement sur l’héritage de Macky Sall, le Sénégal assiste à ce curieux spectacle : un pouvoir qui s’époumone contre un homme qui se tait, des accusations qui s’accumulent face à un silence poli, et une campagne de dénigrement qui patine faute de carburant suffisamment inflammable.

On a vu passer bien des présidents et des régimes, et on sait une chose avec certitude : le temps finit toujours par séparer le grain de l’ivraie. En attendant ce verdict final, il observe avec une curiosité amusée cette leçon de communication politique inversée où, pour une fois, c’est le silence qui parle plus fort que les cris.

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