Dialogue à Sens Unique : Quand un Député Confond Monologue et Démocratie

Dialogue à Sens Unique : Quand un Député Confond Monologue et Démocratie

Notre très cher député Amadou Ba, la honte de l’hémicycle, infatigable pourvoyeur de perles politiques depuis son élection, vient d’enrichir son palmarès d’une nouvelle contribution qui mérite le détour. Dans une tribune publiée sur Senenews, notre parlementaire fraîchement émoulu nous explique, du haut de sa science politique toute neuve, que l’opposition est “puérile” et “inefficace” de ne pas vouloir participer à ce qu’il nomme pompeusement un “dialogue”.

Le dialogue selon Saint Amadou

À en croire notre oracle national, le dialogue politique serait une généreuse concession du pouvoir, une sorte de faveur accordée à ces ingrats d’opposants qui devraient s’y précipiter, la larme à l’œil et reconnaissants. Peu importe les conditions, peu importe le contexte : quand le maître appelle, le bon élève accourt.

Selon la théologie politique développée par notre député, l’État aurait “seulement et uniquement l’OBLIGATION” (les majuscules sont de lui, pas de nous – nous ne crions pas, nous) de convoquer un dialogue avant toute réforme majeure. Mais rassurez-vous, ce dialogue peut parfaitement se dérouler… sans interlocuteurs ! Une performance dialectique qui aurait fait pâlir d’envie Socrate lui-même.

La justice à géométrie variable

La partie la plus savoureuse de ce monument rhétorique concerne les raisons supposées du refus de l’opposition. Celle-ci ne voudrait pas dialoguer car elle craindrait les enquêtes sur les détournements et la corruption. Voilà qui est cocasse !

N’est-il pas étrange que les enquêtes en question semblent toutes pointées dans la même direction ? Notre justice, soudain animée d’une ferveur inédite, ne semble s’intéresser qu’aux méfaits présumés d’un seul camp. La balance de Thémis aurait-elle perdu un plateau en route ?

Le “cataclysme juridique” ou la menace voilée

Notre député-prophète nous annonce ensuite, avec une délectation à peine dissimulée, un prochain “cataclysme juridique” qui s’abattra sur le paysage politique. Nouvelles règles pour les partis, financement, code électoral… tout y passe ! Et tant pis pour les absents : “les nouvelles normes politiques s’imposeront à vous quoi qu’il advienne”, prévient-il.

Cette conception rafraîchissante de la démocratie rappelle étrangement celle d’un célèbre monarque français qui aurait déclaré : “L’État, c’est moi”. Sauf qu’ici, le verbe se pare des atours de la modernité : “L’agenda 2050, c’est nous”.

La chance d’avoir une opposition faible

Le bouquet final de cette symphonie démocratique est atteint quand notre député se réjouit ouvertement d’avoir une opposition “inaudible et inefficace”. Une conception pour le moins originale de l’équilibre des pouvoirs ! Dans la plupart des démocraties, on considère qu’une opposition robuste est le signe d’une bonne santé institutionnelle. Chez nous, on se félicite qu’elle soit anémique.

Cette vision rappelle ces équipes sportives qui préféreraient gagner par forfait plutôt que par la confrontation loyale sur le terrain. Quelle gloire y a-t-il à triompher d’un adversaire affaibli ?

Un dialogue authentique pour un Sénégal renforcé

Si nos nouveaux dirigeants souhaitent réellement transformer le Sénégal à l’horizon 2050, ils auraient tout intérêt à comprendre qu’aucune transformation durable ne s’est jamais bâtie sur l’exclusion. Les grandes réformes qui traversent le temps sont celles qui rassemblent au-delà des clivages partisans.

Un véritable dialogue suppose des interlocuteurs respectés, des conditions équitables et une justice impartiale – pas une justice instrumentalisée qui servirait de bras armé au pouvoir en place.

N’en déplaise à notre député-philosophe, la grandeur politique ne consiste pas à écraser ses adversaires mais à les convaincre. La légitimité ne vient pas seulement des urnes à un instant T, mais de la capacité à gouverner pour tous, y compris pour ceux qui pensent différemment.

Il serait bon que nos nouveaux dirigeants se souviennent qu’ils ont eux-mêmes été, il n’y a pas si longtemps, cette opposition qu’ils méprisent aujourd’hui. La roue tourne en politique, et les méthodes qu’on valide aujourd’hui au pouvoir pourraient se retourner contre soi demain.

Quant à ces “chroniqueurs sans épaisseur intellectuelle” qui, selon notre député, noieraient la voix de l’opposition… Il est amusant de constater que ceux qui détenaient hier les mêmes micros étaient alors qualifiés de “voix courageuses du peuple”. Les mêmes perchoirs, mais pas le même plumage, apparemment.

Alors, cher député Ba, avant de célébrer la faiblesse de vos adversaires, souvenez-vous que la véritable force en démocratie n’est pas d’écraser l’autre, mais de composer avec lui. Et que les monologues, aussi bien ficelés soient-ils, finissent toujours par lasser le public.

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