Le Mirage Pastef : Quand les prétendus sauveurs d’hier deviennent les tyrans de demain

Le Mirage Pastef : Quand les prétendus sauveurs d’hier deviennent les tyrans de demain

Au pays de la Téranga, les lions rugissent d’un nouveau ton. Celui qui jadis criait à l’injustice depuis les bancs de l’opposition s’est mué en dompteur implacable. Le voilà qui parade maintenant, crinière au vent, dans les allées du pouvoir qu’il dénonçait hier.

Notre “zéro” national, rescapé de la prison par une amnistie aussi opportune que mystérieuse, n’a pas tardé à montrer ses griffes. Après avoir transformé un quartier entier de Ziguinchor en forteresse imprenable – exercice de résistance civique selon ses partisans, répétition générale d’insurrection selon d’autres – le voilà qui donne des leçons de gouvernance.

La marche vers le palais présidentiel, baptisée pompeusement “marche de la libération” par ses 200.000 fidèles, n’était en somme qu’un innocent pique-nique citoyen. Que certains esprits chagrins y aient vu une tentative de renverser l’ordre constitutionnel relève manifestement de la paranoïa aigüe.

L’homme fort de Pastef, rescapé des geôles et propulsé aux commandes par procuration, semble désormais atteint d’un syndrome bien connu des observateurs politiques : l’ivresse des sommets. Les symptômes sont classiques : mépris affiché pour la magistrature qu’on qualifiait hier de “corrompue”, détestation viscérale des contre-pouvoirs, notamment médiatiques, et pérégrinations à l’étranger pour s’inspirer de modèles de “développement”.

Sa récente visite au Rwanda, cette démocratie exemplaire où le président obtient régulièrement des scores électoraux qui feraient rougir d’envie les plus grands dictateurs de l’histoire, illustre parfaitement cette quête d’inspiration. Paul Kagame, quatre mandats au compteur et 99% des suffrages en poche – faute de contradicteurs encore respirants – représente apparemment un modèle de gouvernance enviable.

Pendant ce temps, au bercail, on s’attaque méthodiquement aux piliers qui ont fait la stabilité sénégalaise. Les marabouts, jadis intouchables, sont désormais des cibles légitimes pour les plus zélés des partisans du régime. Le cousinage à plaisanterie, ciment social multiséculaire, n’est plus qu’une relique folklorique à leurs yeux.

La presse indépendante? Une nuisance à “régulariser” urgemment. Les libertés? Des concepts occidentaux qu’il convient de “restreindre” au nom du développement, comme l’a si doctement expliqué notre guide suprême du haut de son estrade au CICAD.

Pendant que la jeunesse, ivre d’espoir et de changement, applaudit chaque coup porté aux institutions, les vieux sages observent avec inquiétude cette mécanique bien huilée. Car oui, la dictature ne s’installe jamais du jour au lendemain. Elle s’infiltre pas à pas, sous couvert de redressement national et de lutte contre la corruption.

Mais le Sénégal n’est pas n’importe quelle nation. La terre de Senghor et de Léopold Sédar a des anticorps puissants contre les dérives autoritaires. Quand le réveil sonnera – et il sonnera inévitablement – le choc risque d’être brutal pour ceux qui croyaient pouvoir jouer impunément avec les fondements de notre république.

Le Prince de Machiavel, ce bréviaire des apprentis autocrates, semble être devenu le livre de chevet de nos nouveaux dirigeants. Mais ils oublient que l’histoire retient rarement les noms des princes… et toujours ceux des tyrans déchus.

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