Du Refus au Dialogue : L’Art de Retourner sa Veste en 18 Mois

Du Refus au Dialogue : L’Art de Retourner sa Veste en 18 Mois

Quand les leçons d’hier deviennent les pratiques d’aujourd’hui

Il y a des retournements de situation qui laissent pantois. Et puis il y a ceux qui confinent au grand art du contorsionnisme politique. Notre actuel régime vient de nous offrir un spectacle digne des plus grands acrobates : en moins de dix-huit mois au pouvoir, voilà que le Président appelle déjà au dialogue national. 

Tiens donc ! Comme les temps changent quand on passe de l’autre côté du miroir…

Les Belles Leçons d’Hier

Souvenons-nous. Quand ils étaient dans l’opposition, nos actuels dirigeants avaient une doctrine claire et tranchante sur la question du dialogue : “Seul un pouvoir qui a échoué appelle au dialogue !” La formule était belle, nette, sans bavure. On refusait catégoriquement de s’asseoir à la même table que le régime sortant. Dialoguer ? Jamais ! C’était même devenu leur marque de fabrique.

À l’époque, chaque invitation au dialogue était perçue comme un aveu de faiblesse, une reconnaissance d’échec. “Un gouvernement qui fonctionne n’a pas besoin de dialogue”, martelaient-ils sur tous les tons. Et ils avaient peut-être raison, après tout.

La Métamorphose Express

Mais voilà que le pouvoir fait des miracles ! À peine installés aux commandes, nos donneurs de leçons d’hier découvrent subitement les vertus du dialogue. Dix-huit petits mois après leur arrivée triomphale, et hop ! Il faut discuter, échanger, se concerter. 

Suivant leur propre logique d’antan, ne serait-ce pas là l’aveu qu’ils ont déjà échoué ? Ou bien les règles du jeu ont-elles mystérieusement changé entre-temps ?

Un Seul Problème, Vraiment ?

Le plus savoureux dans cette histoire, c’est que le Premier ministre nous avait pourtant rassurés. Selon ses propres déclarations, le Sénégal n’aurait qu’un seul problème : l’économie. Un diagnostic simple, net, précis. Alors pourquoi avoir besoin d’un dialogue si le mal est clairement identifié et que la solution relève de la seule compétence gouvernementale ?

Serait-ce que la réalité du pouvoir est plus complexe que les slogans d’opposition ? Ou bien que gérer un pays ne se résume pas à pointer du doigt les erreurs du prédécesseur ?

Pourquoi l’Opposition Devrait Bouder

Mais le plus ironique, c’est que l’opposition actuelle aurait toutes les raisons de décliner poliment cette invitation au dialogue. Et pour cause ! Depuis l’arrivée du nouveau régime, les arrestations pleuvent comme grêle en hivernage. Des règlements de compte déguisés en justice ?

Les employés virés par centaines ? C’est du concret, ça se compte. Les promesses de réconciliation nationale ? Elles semblent avoir pris le même chemin que les engagements de campagne : direction les oubliettes.

Dans ces conditions, pourquoi l’opposition ne reprendrait-elle pas à son compte la belle leçon d’autrefois ? “Nous ne dialoguons pas avec un pouvoir qui a échoué !” Après tout, la sauce qui est bonne pour l’oie…

L’Art de l’Amnésie Sélective

Ce qui fascine dans cette volte-face, c’est l’aplomb avec lequel elle s’opère. Comme si personne n’avait de mémoire. Comme si les déclarations d’hier s’effaçaient par magie dès qu’on franchit les grilles du Palais.

Nos dirigeants semblent souffrir d’une amnésie très sélective : ils oublient leurs propres positions d’hier mais se souviennent parfaitement des “erreurs” de leurs prédécesseurs. Pratique, comme maladie !

Le Dialogue des Sourds

Au final, ce dialogue tant réclamé aujourd’hui risque fort de ressembler à celui d’hier : un monologue déguisé. D’un côté, un pouvoir qui appelle au dialogue parce qu’il sent le vent tourner. De l’autre, une opposition qui pourrait légitimement appliquer les recettes d’antan : “Pas de dialogue avec l’échec !”

Et pendant ce temps, les vrais problèmes du pays – ceux-là mêmes qui nécessiteraient un vrai dialogue – continuent de s’empiler. L’emploi des jeunes, la cherté de la vie, l’insécurité… Ces sujets-là méritent mieux que des joutes oratoires de circonstance.

La Leçon de l’Histoire

Cette histoire nous enseigne une chose : la cohérence politique est un luxe que peu de dirigeants s’offrent. Entre les principes d’opposition et les réalités du pouvoir, il y a parfois un gouffre que seul l’art du contorsionnisme permet de franchir.

Reste à voir si les Sénégalais, eux, ont la mémoire aussi courte que leurs dirigeants le supposent. Car au final, c’est bien devant eux que tous ces acrobates devront rendre des comptes. Et ça, aucun dialogue ne pourra l’éviter.

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