Sénégal : La Grande Illusion ou Comment Avancer à Reculons
Les Nouveaux Alchimistes
Ils avaient promis de transformer le plomb en or, nos valeureux chevaliers du “changement”. Voilà qu’ils se retrouvent perchés sur leurs destriers fiscaux, l’épée “contrôle des impôts” dans une main et le bouclier “vente de terrains” dans l’autre, prêts à pourfendre le terrible dragon du sous-développement. Malheureusement, nos preux guerriers semblent avoir oublié leurs cours de géopolitique mondiale dans la précipitation de leur conquête du Palais.
La Grande Mascarade Mondialiste
Pendant que nos nouveaux dirigeants agitent leurs formules magiques devant une foule en liesse (et largement analphabète), les grands manitous de l’économie mondiale se frottent les mains. Car voyez-vous, chers compatriotes, la vérité est moins reluisante qu’un discours de campagne : personne, absolument personne n’a intérêt à voir un Sénégal produisant ses propres voitures, raffinant son pétrole ou – Ô sacrilège suprême ! – transformant ses produits agricoles.
Imaginez un instant ce cauchemar pour les puissances établies : des usines sénégalaises crachant des automobiles, des raffineries tournant à plein régime, des conserveries valorisant nos mangues et nos poissons ! À qui vendraient-ils alors leurs merveilleux produits manufacturés, leurs céréales subventionnées et leurs conserves à prix d’or ?
“Restez pauvres, mais pas trop quand même”
La recette miracle de nos amis du Nord est aussi simple qu’un plat de “ceebu jen” : maintenons l’Afrique dans un entre-deux parfait – suffisamment stable pour qu’on puisse y extraire tranquillement les matières premières (à prix cassés, cela va sans dire), et juste assez prospère pour qu’elle achète nos produits finis (à prix gonflés, bien entendu). Un équilibre subtil que nos économistes en herbe du Palais semblent ignorer avec une constance désarmante.
Les Experts en Poudre aux Yeux
Pendant que les vrais enjeux se jouent dans les coulisses, nos illusionnistes nationaux excellent dans l’art du détournement d’attention. Les médias récalcitrants ? Bâillonnés ! Les critiques ? Décrédibilisés ! Et pour le bon peuple, on ressort le grand classique : “C’est la faute à l’ancien régime !” Une rengaine qui commence à s’user comme un franc CFA qui aurait trop circulé.
Nos apprentis dirigeants, armés de leurs diplômes de fiscalistes et de leurs carnets d’adresses immobiliers, s’imaginent peut-être que gouverner un pays se résume à remplir une déclaration d’impôts ou à négocier le prix d’une parcelle à Almadies. Surprise : les règles du jeu mondial sont légèrement plus complexes !
La Vérité qui Dérange
Alors qu’on nous abreuve de discours sur la souveraineté retrouvée, la triste réalité est que nos grands argentiers nationaux continuent de tendre la sébile aux mêmes institutions financières internationales, avec la même servilité, mais en y ajoutant une couche de vernis patriotique pour faire passer la pilule.
Car voilà le grand tabou que personne n’ose aborder : développer réellement le Sénégal impliquerait de bousculer un ordre mondial soigneusement établi depuis des décennies. Et ce n’est pas avec des slogans ronflants et quelques coups de menton qu’on modifie les règles du commerce international.
Le Grand Tour de Passe-passe
Pendant que nos populations s’extasient devant quelques miettes jetées en pâture (une baisse symbolique du prix du riz par-ci, une inauguration tapageuse par-là), les véritables leviers de développement restent intouchés. La transformation locale ? Un vœu pieux. L’industrialisation ? Une chimère. L’indépendance énergétique ? Un mirage.
À la place, on nous sert le grand spectacle de la “rupture” – rupture avec tout, sauf avec la dépendance économique et les diktats internationaux. Nos grands réformateurs savent pertinemment qu’ils n’ont ni les moyens, ni l’expertise, ni surtout le courage de dire la vérité au peuple : non, on ne peut pas développer un pays en six mois, non, on ne peut pas s’affranchir des contraintes mondiales par décret, et non, on ne peut pas continuer à bercer les foules d’illusions sans préparer un réveil brutal.
La Faillite au Bout du Tunnel
À force de gouverner par slogans et de naviguer à vue, nos capitaines d’opérette risquent fort de conduire le navire Sénégal droit sur les récifs. Car pendant qu’on s’écharpe sur des questions de personnes et qu’on se gargarise de souveraineté, les caisses se vident, les investisseurs s’inquiètent et les partenaires traditionnels observent avec une certaine délectation ce spectacle d’apprentis sorciers jouant avec des forces qu’ils ne maîtrisent pas.
Le plus grand tour de force de nos dirigeants actuels ? Avoir convaincu une partie de la population qu’on peut s’affranchir des réalités économiques par la seule force de la rhétorique. Un numéro d’illusionniste qui risque de se terminer comme tous les tours de magie : quand la fumée se dissipe, il ne reste que la dure réalité.
Moralité
Dans ce grand théâtre de marionnettes qu’est devenue notre politique nationale, les ficelles sont toujours tirées par les mêmes, bien loin de nos frontières. Et pendant que nous nous gargarisons de “changement de système”, le vrai système, lui, se frotte les mains : encore un pays qui croit pouvoir changer les règles du jeu… sans avoir compris qu’il n’en est qu’un pion.
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